Quand Mathieu posa le pied sur le vieux chemin de terre menant à Saint-Cyr-des-Bois, un frisson le parcourut. Cela faisait plus de vingt ans qu’il n’avait pas mis les pieds dans ce hameau oublié entre les collines et les forêts épaisses. Le clocher de l’église pointait toujours dans le ciel gris, les volets en bois des maisons semblaient n’avoir pas bougé d’un centimètre. Mais quelque chose avait changé. Quelque chose d’invisible… et glaçant.

Les premiers regards qu’il croisa furent furtifs. Des rideaux qu’on tirait brusquement. Des portes qui se fermaient à double tour. Un vieil homme assis sur un banc détourna la tête en silence, comme s’il n’avait jamais vu cet enfant autrefois si connu de tous.

Mathieu se dirigea vers l’épicerie. La cloche au-dessus de la porte tinta faiblement. Mais dès qu’il entra, la femme derrière le comptoir devint blême. Elle ne dit pas un mot. Elle baissa simplement les yeux, comme si sa présence était une offense.

Dans la rue, des enfants jouaient au ballon. En l’apercevant, l’un d’eux s’arrêta net et murmura quelque chose aux autres. En quelques secondes, le ballon tomba au sol… et une pierre vola dans sa direction.

— Va-t’en ! cria un petit garçon. T’es pas le bienvenu ici !

Mathieu recula, déconcerté. Que s’était-il passé ? Pourquoi tant de haine ? Il n’avait que douze ans quand ses parents l’avaient envoyé vivre en ville, après… l’accident.

Un accident.

C’est ainsi que les journaux l’avaient appelé. Mais ici, dans ce village, ils n’avaient jamais cru à l’accident. Et malgré le temps, ils n’avaient jamais oublié.

Ce soir-là, il retourna dans la maison de ses grands-parents. La clé rouillée était encore sous la troisième pierre du perron. À l’intérieur, tout était recouvert de poussière et de silence. Mais sur la table, quelqu’un avait déposé un objet depuis peu.

Une petite boîte en bois.

Mathieu l’ouvrit. À l’intérieur : une photo de classe déchirée… et un simple mot griffonné au dos.

«On se souvient tous de ce que tu as fait.»