Le crématorium de Montval-sur-Seine n’était pas un lieu où l’on s’attendait à des surprises. Chaque jour, les cérémonies se suivaient dans un silence solennel, entre larmes, fleurs fanées et souvenirs murmurés. Mais ce jeudi-là, quelque chose d’étrange allait bouleverser la routine funèbre.
Adrien, employé depuis bientôt huit ans, connaissait chaque recoin du lieu. Il était discret, respectueux, toujours en retrait. Ce matin-là, il s’apprêtait à effectuer la vérification habituelle du cercueil avant l’entrée dans la chambre de crémation. Une formalité. Il s’inclina brièvement, par respect pour le défunt — un homme d’une soixantaine d’années, seul, sans famille proche, selon le dossier.

Mais lorsqu’il souleva le couvercle pour une dernière vérification réglementaire, quelque chose attira son regard : un billet de 50 euros posé soigneusement sur le costume du défunt, juste au-dessus des mains croisées.
D’abord, il pensa à une offrande symbolique — une vieille coutume, peut-être. Mais en prenant délicatement le billet, il vit que quelque chose y était écrit à la main, à l’encre noire, fine mais tremblante :
« Pour celui qui découvrira ceci : il reste encore une vérité à enterrer. Elle n’est pas ici. Cherchez derrière la pierre de 1974. — J.L. »
Adrien sentit un frisson lui parcourir l’échine. Il relut le message trois fois. Une plaisanterie ? Un dernier délire d’un mourant ? Mais ce «J.L.»… c’était bien Jean-Luc Mariani, le nom du défunt. Il l’avait vu sur le registre ce matin-même.
Adrien montra discrètement le billet à sa supérieure. Très vite, l’information fit le tour du personnel. Certains rirent nerveusement, d’autres furent troublés. Mais une chose était sûre : la cérémonie n’allait pas se dérouler comme prévu.
La famille éloignée, présente en petit nombre, fut informée. Une nièce du défunt, confuse et inquiète, raconta que Jean-Luc avait été marqué à vie par un événement tragique dans sa jeunesse… La mort mystérieuse de son frère aîné, en 1974, retrouvé sans vie au pied d’un vieux muret en pierre dans leur maison d’enfance.
Adrien, bouleversé mais intrigué, demanda à se rendre sur les lieux. Avec l’accord des autorités locales — et sous surveillance — il retourna, accompagné de la nièce, dans l’ancienne propriété familiale, aujourd’hui abandonnée.
Et là, derrière la vieille pierre gravée «1974» dans le jardin, ils creusèrent.
Ils y trouvèrent une boîte métallique rouillée, enveloppée dans une toile trempée par les années. À l’intérieur : un revolver, un carnet jauni, et une lettre.
Le carnet racontait une tout autre version de l’accident de 1974. Une dispute entre frères. Une colère qui avait dégénéré. Et une vérité étouffée pendant cinquante ans.
Jean-Luc n’avait jamais parlé. Il avait porté cette culpabilité toute sa vie. Et au moment de partir… il avait choisi de ne pas l’emporter avec lui.
Le billet de 50 euros ? Simple leurre pour attirer l’attention. Mais il avait fonctionné.