Il était un peu plus de cinq heures du matin lorsque l’appel est arrivé au commissariat du 11e arrondissement de Paris. La voix au bout du fil était paniquée, presque hystérique :
— Il y a un cercueil. Juste là, sur le trottoir. Devant chez moi. Personne autour. Il est fermé, mais… il y a une odeur. Une odeur horrible.
L’inspecteur Julien Morel, en service depuis vingt-deux ans, n’était plus facilement impressionné. Il avait vu des scènes de crime insoutenables, des règlements de comptes sanglants, des tragédies familiales. Mais un cercueil abandonné sur un trottoir à l’aube ? C’était nouveau, même pour lui.

En arrivant sur les lieux, rue de Charonne, les gyrophares colorèrent les murs des immeubles encore endormis. Et effectivement, il était là. Un cercueil ancien, en bois sombre, posé de travers sur les pavés, comme abandonné à la hâte. Il n’y avait ni fleurs, ni écriteau, ni trace d’un corbillard à proximité.
— Personne ne s’en est approché ? demanda Morel à la première patrouille arrivée.
— Non, mon commandant. On a sécurisé le périmètre. Aucun témoin pour l’instant. C’est comme si ce truc était apparu de nulle part.
Julien s’approcha. L’odeur était bien réelle. Un mélange suffocant de moisissure, de pourriture… et de quelque chose d’indéfinissable. Quelque chose qui vous prend à la gorge.
— On l’ouvre, dit-il simplement.
Les agents hésitèrent une seconde. Puis l’un d’eux apporta un pied-de-biche. L’ouverture du cercueil fut lente, douloureuse, comme si le bois résistait de toutes ses fibres. Et puis… le couvercle céda.
À l’intérieur, il n’y avait pas de corps. Mais quelque chose de bien pire.
Une poupée. Grande, ancienne, au visage fissuré. Elle portait une robe blanche maculée de taches brunes. Dans sa main de porcelaine, elle tenait une photographie. Une vraie photo, récente. Dessus : une femme, vivante, souriante, entourée de deux enfants.
Julien pâlit.
— Je la connais. C’est… C’est l’épouse de l’inspecteur Dumas. Elle est portée disparue depuis deux semaines.
Le silence s’abattit sur la scène comme un couperet. L’ambiance venait de changer du tout au tout. Ce n’était plus un simple acte de vandalisme macabre. C’était un message. Un avertissement. Une provocation.
Et ce n’était que le début.
Dans les heures qui suivirent, trois autres cercueils furent découverts dans différents quartiers de la ville. À chaque fois, à l’intérieur, une nouvelle poupée. Un nouvel indice. Une nouvelle pièce du puzzle. L’enquête prit un tournant vertigineux : les indices semblaient être posés comme un jeu. Un jeu morbide, orchestré par quelqu’un qui connaissait les victimes. Quelqu’un qui connaissait aussi les enquêteurs.
Chaque détail devenait suspect. Chaque collègue, chaque témoin, chaque passant pouvait être impliqué. La peur s’insinua lentement dans le commissariat. Le cauchemar venait de commencer.
Et Julien Morel le savait : ce cercueil posé au petit matin n’était pas une fin. C’était une porte. Une porte ouverte sur quelque chose d’innommable. Quelque chose qui attendait dans l’ombre depuis longtemps… et qui, enfin, se réveillait.