Quand j’ai rencontré Thomas, rien dans sa situation ne correspondait à ce que j’avais toujours imaginé pour l’homme de ma vie. Il était assis dans un fauteuil roulant, discret, un peu en retrait des conversations animées. Moi, j’étais la fille pleine d’ambitions, toujours en mouvement, entourée de gens bruyants et curieux.

Et pourtant, ce jour-là, il a suffi d’un regard.
Un regard calme, mais profond.
Un regard qui ne cherchait pas à impressionner — mais à comprendre.
Une rencontre inattendue
Nous nous sommes croisés pour la première fois lors d’un séminaire universitaire à Bordeaux. J’étais en deuxième année de sociologie, lui venait d’obtenir son master en psychologie. Il ne parlait pas beaucoup, mais quand il parlait, tout le monde l’écoutait.
Au fil des semaines, nous avons commencé à nous voir en dehors des cours. Au début, c’était simplement amical. J’aimais sa sagesse, son humour discret, et surtout sa manière de ne jamais se plaindre, même lorsque tout dans son quotidien semblait plus compliqué que le mien.
Mais très vite, je me suis rendu compte que ce que je ressentais dépassait l’amitié.
Et lui aussi.
« Tu mérites quelqu’un de “normal” »
Quand il m’a avoué ses sentiments, il m’a également dit, presque dans un murmure :
« Je comprends si tu veux quelqu’un qui peut courir avec toi, voyager sans limites, danser debout… »
Cette phrase m’a brisé le cœur.
Pas à cause de ce qu’il ne pouvait pas faire, mais à cause de l’idée qu’il se croyait “moins”.
Je l’aimais. Pas malgré son fauteuil.
Mais avec tout ce qu’il était, fauteuil compris.
Alors, quand il m’a demandé en mariage un an plus tard, ma réponse a été immédiate.
Le jour du mariage
Nous avons choisi un petit domaine en Dordogne, entouré de vignes. La cérémonie était simple, intime, sincère. J’étais en robe ivoire, lui en costume trois pièces, impeccablement assis dans son fauteuil roulant noir.
Mais ce que je n’avais pas prévu, c’était les regards.
Des regards pleins de pitié.
Certains chuchotaient :
« Elle aurait pu épouser n’importe qui… Pourquoi lui ? »
« Elle va devoir tout faire pour lui maintenant… »
Même certains de mes proches, pourtant bien intentionnés, semblaient sceptiques.
Je sentais que pour beaucoup, j’étais la “brave fille”, celle qui avait sacrifié le “grand amour” pour une vie “difficile”.
Mais ils ne savaient pas ce que j’avais vu en lui.
Ils ne savaient pas ce qui allait se passer.
Puis il s’est levé…
Le moment du discours du marié est arrivé. Tous les regards étaient tournés vers lui.
Thomas s’est placé face aux invités. Et lentement, très lentement, il s’est levé.
Les chaises ont grincé. Les conversations se sont arrêtées. On entendait les battements de cœur.
Certains se sont levés de stupeur, d’autres ont porté la main à leur bouche. Ma grand-mère a même laissé tomber sa coupe de champagne.
Et moi ?
Je pleurais.
Pas parce qu’il s’était levé.
Mais parce que je savais à quel point cela lui avait coûté.
La vérité révélée
Ce que peu de gens savaient, c’est que Thomas n’était pas complètement paralysé. Après un grave accident de voiture à 19 ans, il avait perdu une grande partie de sa motricité. Les médecins lui avaient dit qu’il ne marcherait plus jamais.
Mais Thomas n’a jamais renoncé.
Pendant des années, il a travaillé chaque jour, chaque muscle, chaque mouvement.
Pas pour prouver quelque chose.
Mais parce qu’il refusait d’abandonner tout espoir.
Et ce jour-là, pour moi, il s’est levé.
Un discours inoubliable
Debout, les mains légèrement tremblantes, il a dit :
« Beaucoup d’entre vous pensent que je suis chanceux d’avoir épousé cette femme.
Mais la vérité, c’est que c’est elle qui m’a redonné foi en moi.
Elle ne m’a pas regardé comme un homme cassé.
Elle m’a regardé comme un homme entier.
Et grâce à elle, aujourd’hui, je suis debout. »
La salle était en larmes. Il n’y avait plus de murmures. Plus de pitié.
Seulement du silence. Et du respect.
Après le mariage
Depuis ce jour, les gens ne me demandent plus pourquoi j’ai épousé un homme en fauteuil.
Ils me disent :
« Tu as épousé un homme plus fort que nous tous. »
Et ils ont raison.
Le fauteuil est encore là, certains jours. Mais il ne définit pas qui il est.
Ce qui définit Thomas, c’est son courage, sa dignité, sa force silencieuse.
Et moi ?
Je suis simplement fière d’être sa femme.