Le garçon gisait inconscient parmi les gorilles, et un seul s’approcha. Ce qui se passa ensuite changea le monde.

La foule se figea. Certains s’emparèrent d’un téléphone, d’autres prirent un enfant par la main, d’autres encore restèrent muets. Le petit corps gisait immobile sur le béton froid de l’enclos. Sept gorilles gigantesques se retournèrent presque simultanément. Et une seule – une femelle au regard doux et chaleureux – s’avança.

Elle s’appelait Binti Jua. Elle portait son propre enfant sur son dos – un minuscule gorille, agrippé à sa mère, comme si elle pressentait un événement majeur. Binti s’approcha avec précaution, presque en silence. Elle souleva le garçon, tel un oisillon, et le serra contre sa poitrine. Tout autour, un silence pesant s’installa, comme si le monde avait retenu son souffle.

D’en haut, la mère de l’enfant hurla, se débattant entre les mains des gardiens :

« Rendez-moi mon fils !» –

Mais personne ne pouvait descendre. Personne ne pouvait intervenir. Tout reposait sur elle, sur une gorille de soixante-dix kilos, capable de briser un homme adulte d’un seul mouvement.

Elle s’assit. Elle s’adossa simplement au mur et commença à le bercer, comme pour l’endormir. Son propre enfant, et celui de quelqu’un d’autre.

Quelques secondes plus tard, des pas, des bruissements, le souffle de la foule. Les soigneurs attendaient le bon moment. Soudain, Binti se leva, se dirigea vers la trappe de maintenance et… déposa délicatement le garçon sur le béton, près de la porte. Elle se retourna et leva les yeux. Son regard, calme, profond, humain, semblait dire : à ton tour.

La foule poussa un soupir de soulagement. Le monde reprit son cours. Les sauveteurs accoururent.

Plus tard, les médecins diraient : une chute de sept mètres et demi, une commotion cérébrale, un bras cassé… c’est un miracle que l’enfant soit en vie. Mais ce ne sera pas la chute qui sera qualifiée de miracle. Ce sera le fait que l’animal soit devenu une protection, et non une menace.

La vidéo, filmée par des témoins oculaires, a été largement partagée. Certains ont pleuré, d’autres se sont interrogés : instinct ? Dressage ? Mais ceux qui en avaient été témoins savaient que c’était autre chose. Quelque chose qui ne s’apprend pas.

Un zoologiste dira plus tard :

« Elle a grandi sans mère. On l’a nourrie au biberon. C’est peut-être pour cela qu’elle l’a reconnu, non pas comme une «autre espèce», mais simplement comme un enfant. »

Mais la compassion peut-elle s’expliquer par une formule d’éducation ? Existe-t-il un gène responsable de la bonté ?

Les années ont passé. Le garçon a grandi, son nom n’ayant jamais été révélé à la presse. Mais le nom du gorille est devenu une légende. Des gens du monde entier affluaient au zoo, non seulement pour voir l’animal, mais aussi pour plonger leur regard dans celui d’une créature qui avait fait un choix contraire à tout ce que l’on attend de la nature.

Et à bien y réfléchir, ce n’était pas la première fois. Pendant des siècles, l’homme a perçu les animaux comme une menace, oubliant qu’ils se comportent parfois avec plus d’humanité que nous. C’est peut-être pour cela que l’histoire de Binti Jua nous a tant touchés : elle fait écho à notre propre désir de croire que la bonté n’est pas l’apanage des humains.

Parfois, nous revoyons les images de ce jour-là. Le bruit d’un corps qui tombe, le cri de la mère, le silence des animaux, puis l’instant où elle soulève le petit garçon. Et il nous semble que ce n’est pas seulement une histoire de sauvetage, mais un rappel : le monde n’est pas régi par les lois de la jungle, mais par quelque chose de bien plus ancien : l’instinct de protéger les faibles, même si l’on vient d’un autre monde.

Et quelque part, au fond de la chambre, un gorille portant son bébé sur le dos continue d’avancer vers l’enfant, pour accomplir son devoir.

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