Les lampes d’or, le marbre blanc, les invités figés dans leurs habits luxueux… tout ressemblait à un conte grandiose.
Sauf pour la mariée.
Aïsha.
Elle se tenait là, les doigts serrés sous la dentelle de sa robe, le cœur battant trop fort, trop vite. Cette cérémonie devait être celle de sa sœur aînée, Leïla. Mais Leïla avait reculé la veille, murmurant à leur père qu’elle ne vivrait « jamais avec un homme pareil ».
Cet homme — le cheikh — était une légende faite de peur et de rumeurs. On parlait de sa froideur, de son autorité, de son absence totale de pitié. Leïla, terrorisée, avait sacrifié sa propre sœur pour sauver son confort.

« Tu accepteras, avait-elle soufflé. Sinon je détruirai ta vie. »
Aïsha n’avait rien répondu. Comment dire non quand on vous enlève toute échappatoire?
Le moment venu, lorsque le cheikh souleva le voile, la salle entière sembla basculer dans une attente suffocante. Aïsha se préparait à lire dans ses yeux du dégoût… ou de l’indifférence glaciale.
Mais au lieu de cela, il resta immobile.
À la regarder.
Longtemps. Trop longtemps.
Puis il recula d’un pas.
Et encore d’un autre.
— Ce n’est pas elle, murmura-t-il, la voix calme mais tranchante. Ce n’est pas la femme qu’on m’a promise.
La stupeur parcourut la foule comme une vague.
Le père d’Aïsha devint livide.
Leïla, tapie derrière les invités, tenta de se fondre dans les ombres.
Le cheikh tourna la tête, son regard noir cherchant quelque chose — ou quelqu’un.
— Amenez-la, ordonna-t-il.
Deux gardes s’avancèrent. Leïla recula d’instinct, mais leurs mains fermes l’escortèrent jusqu’au centre de la pièce, où Aïsha restait droite malgré le tremblement de ses genoux.
— C’était toi, la fiancée officielle? demanda le cheikh, sans détour.
Leïla esquissa un sourire faux, presque venimeux.
— Oui… mais j’ai changé d’avis.
Un souffle ironique glissa sur les lèvres du cheikh.
— Changer d’avis n’est pas un crime. Mentir, si. Et vendre sa propre sœur… ça dépasse même les mots.
— Elle était d’accord! s’exclama Leïla.
Son cri s’écrasa dans le silence quand le cheikh se tourna vers Aïsha.
— Est-ce vrai?
Aïsha sentit sa gorge se serrer, mais pour la première fois depuis le début de cette mascarade, elle trouva le courage de dire la vérité.
— J’ai accepté… parce qu’on ne m’a laissé aucune autre option.
Sa voix trembla, mais ses mots étaient des pierres qui claquaient sur le marbre.
Le cheikh s’avança vers elle. Lentement. Avec une intensité qui fit reculer les invités — tous, sauf elle.
— As-tu peur de moi? demanda-t-il.
Elle aurait voulu dire oui. Elle aurait voulu disparaître.
Mais au lieu de cela, elle répondit:
— Je crains un homme qui ne connaît pas la justice.
Et soudain, l’impensable se produisit.
Le cheikh se mit à sourire. Un sourire bref, étrange, presque humain.
— Tu es la première à me le dire en face.
Puis il leva la main, et la salle entière retint son souffle.
— Le mariage aura lieu.
Une explosion de murmures secoua les rangs d’invités.
Le père protesta.
Leïla hurla que tout cela était une folie.
Des femmes se signèrent. Des hommes échangèrent des regards affolés.
— Aïsha deviendra ma femme, déclara le cheikh d’une voix qui ne laissait place à aucune contestation. Pas parce que quelqu’un l’a décidé à sa place. Mais parce qu’elle est la seule ici à avoir de l’honneur.
Puis il tourna son regard vers Leïla, et ce regard suffit à la mettre à genoux.
— Quant à toi… demain, tu te présenteras devant le conseil du clan. Pour mensonge. Pour trahison. Et pour avoir voulu briser ta propre sœur.
Leïla s’effondra.
Aïsha sentit ses jambes vaciller.
Les invités, eux, comprirent enfin la vérité glaçante:
On se trompait sur le cheikh. Ce n’est pas sa force qui faisait peur.
C’était sa lucidité.
Et quelque chose — fragile, interdit, presque dangereux — se mit à naître dans le cœur d’Aïsha.
Et si ce mariage… n’était pas le châtiment que je croyais?
La réponse arrivera.
Mais elle changera plus que leur destin à tous les trois.