Un de ces endroits rayés des cartes mentales, vidés de toute vie, où ne restent que la rouille, la poussière et un silence qui colle à la peau. Rien d’exceptionnel. Rien qui mérite plus qu’un simple survol. Cette certitude s’est révélée être notre erreur la plus grave.
Le drone est descendu lentement, mètre après mètre, vers une profondeur que personne n’avait osé explorer depuis des décennies. Les premières images confirmaient nos attentes : parois fissurées, structures effondrées, obscurité épaisse. Puis, sans transition, l’écran a changé.
Des centaines de longues caisses sont apparues. Identiques. Alignées avec une précision presque inhumaine, formant une spirale parfaite. Pas un décalage. Pas un angle raté. Ce n’était pas un amas oublié sous terre. C’était une construction. Une idée matérialisée.
Très vite, une chose est devenue claire : ce n’était pas un simple dépôt. C’était un schéma.

La matière des caisses posait problème. Ni bois, ni métal. La caméra peinait à faire la mise au point ; l’image ondulait, comme si l’objet refusait d’être observé. Les capteurs thermiques affichaient une anomalie encore plus dérangeante : l’air de la mine était glacial, mais les caisses dégageaient une chaleur faible, constante. Pas une chaleur mécanique. Quelque chose de plus troublant. Une présence.
Quelqu’un a tenté une plaisanterie. Une autre a parlé d’un projet militaire. Les mots flottaient, creux, incapables de masquer l’angoisse. Personne n’a posé la question essentielle : pourquoi cacher cela aussi profondément ? Et surtout, pourquoi avec une telle précision ?
Lorsque le drone a suivi la courbe de la spirale, un détail a changé l’atmosphère. Les caisses n’étaient pas totalement scellées. De fines fentes longeaient leurs couvercles. À cet instant précis, l’image a frémis. Quelque chose a bougé à l’intérieur. Lentement. Comme si cela savait qu’on l’observait.
Les instruments se sont mis à dysfonctionner. Le champ magnétique variait sans logique. Le signal se fragmentait. Nous avons envisagé un retrait immédiat quand la caméra a capté un mouvement entre les caisses. Ce n’était ni une ombre ni une interférence. C’était une forme. Allongée. Fluide. Trop calme pour être humaine.
Puis le son a disparu.
Un silence brutal, écrasant. L’image persistait, mais se décomposait en blocs instables, comme si la réalité elle-même se fissurait. À ce moment-là, le drone a pivoté de lui-même. Aucun ordre n’avait été donné. La caméra s’est tournée vers le centre de la spirale, là où les caisses semblaient presque se toucher.
Les dernières secondes de l’enregistrement sont étudiées encore et encore. Une image sombre, granuleuse. Entre les caisses, quelque chose d’indescriptible. Pas un corps. Pas un visage. Une tentative de forme. Comme si cette chose hésitait sur ce qu’elle devait être. Par instants, on croit distinguer des yeux. L’instant suivant, ce ne sont que des vides qui aspirent le regard.
Et soudain, il apparaît.
Un symbole. Ni un mot, ni une écriture connue. Quelque chose de simple, mais étrangement familier. Comme un souvenir oublié d’un rêve ancien. Immédiatement après, le drone a été projeté vers le haut avec une violence inexplicable.
L’enregistrement s’est interrompu net.
Le lendemain, lorsque nous sommes revenus avec un équipement professionnel, la mine était vide. Aucune caisse. Aucune spirale. Même les parois semblaient différentes, comme si l’espace avait été réécrit. Les géologues ont refusé de poursuivre les travaux. Pas par peur d’un effondrement. Pour une raison qu’aucun n’a voulu formuler.
Il reste pourtant un détail, rarement évoqué.
Cette nuit-là, l’un des membres de l’équipe s’est réveillé avec la certitude que quelqu’un se tenait derrière lui. Dans l’obscurité de sa chambre, il affirme avoir distingué une silhouette instable, allongée, comme si elle n’avait pas encore choisi sa forme définitive.
Et sur le mur, juste au-dessus de son lit, était tracé le même symbole.
Si cette mine était vide… pourquoi revient-elle dans les rêves de tous ceux qui ont vu les dernières images ?
Et surtout : si les caisses ont disparu, étaient-elles un lieu de stockage… ou une barrière ?