Le matin avait commencé comme tous les autres.

Je suis sortie dans la cour pour arroser les fleurs, jeter un œil au jardin, rien de plus. Un geste banal, presque automatique.

Puis j’ai ouvert le portail.

L’odeur m’a frappée de plein fouet.
Violente. Écœurante. Une odeur de chair en décomposition, si forte qu’elle m’a coupé la respiration. Une saveur métallique s’est répandue dans ma bouche, comme un signal d’alarme primitif. Mon corps a réagi avant même que je comprenne.

J’ai avancé de quelques pas… et je me suis figée.

Près du parterre de fleurs, quelque chose bougeait.
Sur le sol reposait une masse rougeâtre, brillante, gluante, comme retournée de l’intérieur. Humide. Vivante. On aurait dit de la viande crue abandonnée là, en train de pourrir lentement au soleil. L’odeur devenait insoutenable.

Mon cœur battait si fort que j’avais l’impression qu’il allait sortir de ma poitrine.

« Qu’est-ce que c’est que ça ? »
Une larve ? Un ver ? Les restes d’un animal ? Ou pire… quelque chose qui n’aurait jamais dû se trouver là.

J’ai sorti mon téléphone, pris une photo à la hâte, puis je suis rentrée presque en courant. Mes mains tremblaient. Mon esprit inventait les scénarios les plus sombres.

J’ai tapé dans le moteur de recherche :
« masse rouge visqueuse odeur de pourriture »

Et là, le choc.

Les mots défilaient sous mes yeux, mais j’avais du mal à les accepter.
Ce n’était ni un animal.
Ni une plante.
Ni un champignon.

C’était un slime, un organisme primitif.

Sans cerveau.
Sans système nerveux.
Sans organes.

Et pourtant… il se déplace.
Il réagit à l’environnement.
Il cherche de la nourriture.
Il peut même « mémoriser » des trajets.

Un frisson m’a parcouru l’échine.

Je me suis retrouvée debout dans ma propre cour, face à quelque chose qui remet en cause tout ce qu’on croit savoir sur la vie. La masse se contractait lentement, puis s’étirait à nouveau. Comme une respiration. Calme. Indifférente à ma peur.

Sa couleur était irréelle. Rouge chair. Luisante.
La chaleur du soleil amplifiait encore l’odeur.

Les articles expliquaient que ces organismes apparaissent après la pluie, qu’ils aiment l’humidité, les feuilles mortes, l’herbe en décomposition. Une explication logique. Rassurante, en théorie.

Mais la peur n’écoute pas la logique.

Une question revenait sans cesse :
Pourquoi ici ?
Pourquoi chez moi ?

Je repensais à la pluie de la nuit précédente. Aux feuilles oubliées près de la clôture. À la tonte jetée récemment par le voisin. Tout semblait cohérent… et pourtant, mon jardin ne me paraissait plus familier.

Le plus troublant, c’est que cette chose n’est pas dangereuse. Elle ne mord pas. N’attaque pas. N’est pas toxique.
Mais elle s’étend.
Lentement. Silencieusement.

Aujourd’hui près des fleurs.
Demain près de l’allée.
Puis elle disparaît, laissant derrière elle une croûte sèche, comme si rien n’avait jamais existé.

Je suis rentrée, je me suis lavé les mains — deux fois — mais cette sensation ne partait pas. Même le café avait un goût étrange.

Le soir, je suis retournée voir.
La masse avait foncé. Elle semblait plus dense, presque immobile.
Comme endormie.

Et à cet instant, j’ai compris :
je n’avais pas peur de cette chose.

J’avais peur de la fragilité de notre illusion de contrôle.
De cette frontière minuscule entre le quotidien rassurant et quelque chose de profondément étranger.

On sort arroser les fleurs.
Et quelques minutes plus tard, on se retrouve face à un rappel brutal :
le monde est bien plus étrange, plus dérangeant, que ce que nous aimons croire.

Parfois, l’inexplicable
s’invite directement dans votre propre cour.

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