La lapine et le portefeuille

Par une fin d’après-midi douce et silencieuse, alors que le vent dansait à peine entre les herbes hautes, une petite lapine au ventre arrondi s’approcha timidement d’une butte de terre fraîchement retournée. C’était la tombe de son compagnon, disparu quelques lunes plus tôt dans un accident brutal à la lisière de la forêt. Depuis, elle revenait ici chaque jour. Elle s’asseyait en silence, posant ses pattes sur la pierre froide, murmurant des choses que seul le vent pouvait entendre.

Ce jour-là pourtant, quelque chose attira son attention : un objet, posé près de la stèle, à moitié dissimulé sous une feuille d’érable rouge. Elle s’en approcha, curieuse, méfiante. C’était un portefeuille. Usé, en cuir brun, comme ceux que les humains laissaient parfois tomber en traversant les bois sans faire attention.

Avec précaution, elle le poussa du bout de la patte, puis l’ouvrit. Ce qu’elle découvrit à l’intérieur la figea net.

Il n’y avait pas d’argent, pas de papiers d’identité humains, mais… une photo. Une vieille photo froissée, représentant deux jeunes lapins, blottis l’un contre l’autre sous un ciel étoilé. C’était eux. Eux, bien avant que tout ne s’écroule. Ce cliché, elle croyait l’avoir perdu depuis longtemps. Et à côté de la photo, soigneusement glissé, un petit mot griffonné à l’encre bleue :

« Si tu trouves ceci, c’est que tu es encore là. Alors vis. Pour nous deux. Pour ce petit miracle que tu portes en toi. Je veille. – T. »

Ses yeux s’emplirent de larmes. Son souffle se coupa. Elle regarda autour d’elle, mais il n’y avait personne. Juste le murmure du vent, le chant d’un rouge-gorge au loin, et son cœur battant à tout rompre.

Elle serra le portefeuille contre sa poitrine, puis se redressa doucement. À cet instant précis, elle comprit. Il ne s’agissait pas d’un hasard. C’était un signe. Une réponse venue d’ailleurs. Un dernier message d’amour, glissé dans un objet ordinaire, devenu extraordinaire.

Elle quitta le cimetière le cœur plus léger, le ventre toujours arrondi, mais l’âme remplie d’une force nouvelle.

Ce jour-là, une lapine enceinte trouva bien plus qu’un portefeuille : elle retrouva l’espoir.

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