Personne ne devrait enterrer son enfant. C’est une douleur qui défie la logique, qui consume tout, même les souvenirs heureux. Pour Marc Delarue, cette douleur devint insupportable le jour où sa fille unique, Élise, âgée de 9 ans, perdit la vie dans un accident de la route. Un camion ivre de vitesse, un carrefour ignoré, et puis… plus rien. Le silence. L’absence.
Marc sombra. Il dormait peu, mangeait à peine, parlait encore moins. Sa femme essayait de tenir bon, mais Marc, lui, n’en était plus capable. Il passait ses journées à s’asseoir devant la porte de la chambre d’Élise, à effleurer les jouets qu’elle avait laissés derrière elle.

C’est alors que lui vint une idée étrange. Absurde, irrationnelle… mais il n’avait plus rien à perdre.
Trois jours avant l’enterrement, Marc récupéra une petite caméra infrarouge, utilisée autrefois pour observer les animaux dans la forêt. Il la programma pour s’activer uniquement la nuit, silencieuse, sans flash. Puis, sans le dire à personne, il la plaça discrètement dans le cercueil ouvert, juste à côté de l’ours en peluche préféré d’Élise. Peut-être qu’il voulait des preuves qu’elle reposait en paix. Peut-être qu’il voulait… un signe.
La caméra était équipée d’un capteur de mouvement. Et la nuit même après les funérailles, elle s’enclencha.
Quand Marc récupéra la carte mémoire le lendemain, il hésita. Son esprit voulait croire qu’il ne verrait rien. Que la caméra serait vide. Et pourtant… il l’ouvrit.
Le premier enregistrement ne montrait rien. Le noir. L’immobilité. Mais à 3h17, quelque chose se produisit.
Une lumière douce, presque invisible, envahit brièvement l’écran. Comme une brume. Puis, une forme. Floue, minuscule. On aurait dit une silhouette d’enfant, assise. Puis un bras. Fin. Léger. Qui se tendait vers l’ours en peluche.
Marc cessa de respirer.
Sur l’image, la peluche bougea. Nettement. Lentement. Comme si une petite main venait de la prendre.
Puis, une voix. À peine audible. Un souffle, presque comme un soupir.
— Papa… je vais bien.
Marc tomba à genoux, les larmes coulant sans fin. Ce n’était pas un cri, ni un appel au secours. C’était un murmure de paix. Un adieu serein. Il repassa l’enregistrement des dizaines de fois. Toujours la même lumière. Toujours la même voix.
Il ne montra la vidéo à personne, pas même à sa femme. Pas parce qu’il voulait garder un secret, mais parce qu’il savait que c’était un message destiné à lui seul.
Depuis ce jour, il ne remit plus jamais la caméra dans un cercueil. Il n’avait plus besoin de preuve.
Il savait.
Et c’était suffisant.