Il avait effacé le passé de sa propre peau : comment un homme, une toile vivante de souffrance, avait traversé l’enfer pour retrouver son visage, sa foi et le silence intérieur.

Il se tenait devant le miroir, pâle, des traces d’encre transparaissant à travers des cicatrices encore fraîches. Sa peau semblait respirer la douleur, comme si elle peinait à suivre le rythme des changements qui le rongeaient. Jadis, ce corps avait été le récit d’une rage insoutenable : crânes, démons, noms d’amis disparus. Chaque centimètre, un cri figé dans la couleur. Mais à présent, Leandro De Souza se regardait comme un rescapé d’un incendie. Un homme à vif, qui, pour la première fois, se sentait vivant.

Il avait aimé cette douleur – le bourdonnement de l’aiguille était comme un sommeil. Il disait que chaque nouveau tatouage pansait une vieille blessure. Dans les rues de São Paulo, tout le monde le connaissait : « l’homme à la peau d’encre », « l’art vivant ». Mais intérieurement, il n’y avait ni art, ni beauté – seulement la peur de disparaître. Il se tatouait pour rester, au moins en un sens, une part de lui-même. Puis vinrent la drogue, les nuits blanches, les amis perdus. Et puis la mort de son frère. Après les funérailles, il ne mangea ni ne but pendant une semaine, allongé dans sa chambre immonde, le regard fixé au plafond. « S’il existe un Dieu, qu’il me montre pourquoi j’ai fait tout ça », murmura-t-il.

La réponse vint étrangement. Non pas comme une révélation, mais sous la forme d’un miroir où il ne reconnut soudain plus la personne en face de lui. « Ce n’est pas moi », dit-il à voix haute. Et pour la première fois en dix ans, il éprouva du dégoût pour son propre reflet. Ainsi commença le chemin du retour – à travers le laser, le sang et l’odeur de peau brûlée. Il rit, constatant que le diable ne s’effaçait pas si facilement, mais il continua séance après séance. Chaque visite était une confession silencieuse. Le médecin l’avertit : ce serait plus douloureux que le tatouage. « Qu’il en soit ainsi. Je le mérite », répondit Leandro.

Les premiers mois furent à peine supportables. Son corps brûlait, comme si on lui avait versé de l’eau bouillante dessus. Mais à chaque séance, sa peau s’éclaircissait, son regard s’apaisait. Il ne voulait plus être quelqu’un de spécial. Il aspirait à la pureté. Parfois, au bourdonnement du laser, le passé lui revenait en mémoire : les rires, le sang, l’odeur de la sueur, la musique de la rue. Tout cela lui semblait un film étrange. Puis, un événement inattendu se produisit : les tatouages ​​commencèrent à s’estomper, et avec eux, la douleur. C’était comme si une autre personne se cachait sous sa peau, enfin libre de respirer.

« Êtes-vous sûr de vouloir tout effacer ? » demanda le médecin lors de la dernière séance.

« Non », répondit-il. « Mais je n’ai pas le choix. »

Il comprit qu’il était impossible d’effacer complètement le passé. Même en enlevant l’encre, le souvenir demeurerait. Mais peut-être était-ce là l’essentiel : non pas oublier, mais pardonner. À soi-même. À la vie. À la douleur.

Aujourd’hui, Leandro aide des adolescents à la rue. Il leur dit que la véritable force ne réside pas dans l’endurance de la douleur, mais dans le fait de ne pas la fuir. Il n’a pas honte de ses cicatrices ; au contraire, il les considère comme sa nouvelle création, laissée par le temps. Parfois, il croise encore le regard des passants : certains reconnaissent l’ancien « homme tatoué », d’autres voient simplement un homme étrange avec des taches sur la peau. Et il sourit. Car désormais, il n’a plus rien à prouver.

Quand le soleil caresse son épaule, sa peau semble irradier de l’intérieur. Elle n’est pas parfaite : cicatrices, marques estompées, teint irrégulier. Mais il y a une vérité dans cette imperfection. Et c’est peut-être précisément cette imperfection qui le libère.

L’ancienne toile de la douleur est devenue un miroir du pardon. Et dans ce reflet, plus de démons, seulement un homme qui a enfin appris qui il est.

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