Elle voulait être elle-même.

Les projecteurs l’aveuglèrent lorsqu’elle monta sur scène. Le public retint son souffle : des pommettes saillantes, une bouche en arc, un regard perçant sous de longs cils – comme si Angelina Jolie en personne avait surgi de l’écran. Mais ce regard ne trahissait ni confiance ni passion. Seulement de la lassitude et une sorte d’horreur silencieuse – comme si la femme ne regardait pas la foule, mais son propre reflet, qu’elle ne reconnaissait plus.

Autrefois, elle était différente. Elle avait un nom simple, un rire qui captivait les passants et un sourire authentique. Sur les vieilles photos, elle révèle une beauté véritable : un peu maladroite, chaleureuse et pleine de vie. Elle s’appelait Sahar et ne rêvait pas de célébrité. C’est juste qu’un jour, on lui a dit que son visage pouvait être amélioré.

Elle subit sa première opération par curiosité – « pour corriger un peu son nez ». Puis – ses lèvres. Puis ses joues, son menton, ses paupières… À chaque fois, le chirurgien l’assurait : « Maintenant, vous serez parfaite. » Mais la perfection est une drogue. Après la première dose, on en veut une deuxième.

Un an plus tard, son visage était devenu un projet. Elle vivait sous des lampes, entourée de bandages et de miroirs, baignée dans l’odeur d’antiseptique et les chuchotements des médecins. Chaque matin, la lumière du jour – une vérification des points de suture. Chaque soir, la panique devant son reflet. Elle se regardait et répétait : « Presque… presque Jolie. »

Mais plus elle se rapprochait de son idéal, plus elle s’éloignait d’elle-même. Sur les réseaux sociaux, les « j’aime » se multipliaient comme des applaudissements. On pouvait lire : « Tu es une copie conforme ! », sans remarquer que sous cette copie, l’originale avait disparu. Son visage était devenu un masque, ne laissant aucune place à la douleur ni au sourire.

Un jour, un chirurgien qui la connaissait depuis le début lui demanda doucement :

« Pourquoi avez-vous besoin de tout ça ? »

Elle ne répondit pas tout de suite :

« Pour être aimée. » « Êtes-vous sûre qu’on pourra encore vous aimer si vous n’êtes plus là ? »

Cette conversation fut une brèche. Mais les fissures ne détruisent pas toujours ; parfois, la lumière les traverse. Elle sortit de la clinique, le visage bandé comme une coquille vide, et pour la première fois depuis longtemps, elle ne regarda pas les miroirs, mais le ciel. Il était gris, hivernal, mais il y avait quelque chose de réel en lui.

Une semaine plus tard, elle publia une vieille photo – celle où elle rit sans maquillage. En dessous, une courte légende : « Quand je savais encore qui j’étais.»

Des milliers de commentaires accompagnèrent la publication. Certains riaient, d’autres compatissaient, d’autres encore ne la reconnaissaient pas. Mais un commentaire se démarqua : « Tu es plus belle sur cette photo que sur toutes tes “copies”.»

Sahar le relut des dizaines de fois. Et soudain, elle comprit : pendant tout ce temps, elle n’avait pas fui la beauté, mais la douleur. La peur d’être ordinaire. Le vide où personne ne lui avait dit : « Tu es assez bien.»

Elle supprima son compte quelques jours plus tard. Elle disparut tout simplement. La rumeur court qu’elle a déménagé dans un autre pays, qu’elle vit au bord de la mer, sans maquillage, sans miroirs. Et si l’on en croit les rares photos qui circulent, ses yeux lui appartiennent enfin. Ils n’ont plus l’éclat des fards à paupières hollywoodiens, mais ils possèdent quelque chose que des millions ne peuvent acheter : la paix.

Parfois, les journalistes parlent d’elle – « la jeune fille devenue le fantôme de Jolie ». Ils montrent d’anciennes photos : avant et après. Et le spectateur retient involontairement son souffle. Car « avant », c’est la vie, et « après », une tentative d’y échapper.

Qui sait, peut-être a-t-elle vraiment trouvé la liberté. Mais en regardant ces photos, on a envie de se demander : que vaut un rêve si on le paie de sa propre vie ?

Et quand l’écran s’éteint, le reflet dans la vitre noire semble soudain un peu étranger. Après tout, qui n’a jamais rêvé d’être quelqu’un d’autre ? Seulement, peu osent en payer le prix fort.

Et sur cette première photo, elle sourit encore. Vivante. Authentique. Pour vous rappeler que parfois, pour devenir vous-même, vous devez cesser d’être la copie de quelqu’un d’autre.

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