Le jeune homme posa lentement les fleurs, mais sa main se figea en pleine descente.

Quelque chose venait de briller sur la base de la pierre tombale — un éclat minuscule, presque timide, mais assez étrange pour lui glacer le sang.
Il se pencha davantage, et son souffle se bloqua.

Dans la surface polie du marbre, on voyait des griffures.
Pas des rayures dues au temps.
Pas des marques laissées par la pluie ou le vent.
Non — des traits droits, hésitants, comme tracés par quelqu’un qui se bat contre sa propre peur. Ou contre la terre.

Trois lettres.
Trois traits tremblants.

Il effleura la pierre du bout des doigts. Elle était glaciale, d’un froid presque inhumain. Et si tout cela n’était qu’une coïncidence, il aurait pu détourner le regard… sauf qu’au pied du monument, dans la terre légèrement humide, reposait une empreinte de chaussure. Petite. Féminine.
Et étrangement familière.

C’était exactement le type de chaussures que portait sa fiancée — légères, silencieuses, «pour que personne ne m’entende arriver», disait-elle en riant.

Un frisson lui traversa tout le corps.
Elle était morte depuis cinq ans.
Mais cette empreinte-là… était fraîche.

— C’est… impossible, murmura-t-il, plus pour se protéger que pour comprendre.

Mais les vieux chuchotements qu’il avait entendu avant son arrestation revinrent d’un coup. Le cercueil livré de nuit. Les funérailles précipitées. L’absence de dernier adieu. Le médecin qui avait signé l’acte de décès… puis disparu sans laisser de trace.
Des rumeurs, pensait-il. Des inventions.

Et pourtant.

Il revint aux lettres gravées. Ou plutôt : inachevées.
Une seule partie du mot apparaissait, comme si la main qui l’avait tracé avait manqué de temps.

« NE… »

Ne viens pas?
Ne crois pas?
Ne… mens pas à toi-même?

Un souffle de vent souleva les feuilles autour de lui, et il sursauta. Quelque chose avait bougé entre les tombes — ou s’était-ce seulement son esprit qui refusait la vérité?

Il fit un pas en arrière pour voir la stèle entière. Et là, il remarqua le détail qui détruisit toutes ses certitudes en un instant.

La date de décès.

Cette date, il l’avait apprise par cœur, elle l’avait hanté pendant toutes ses nuits de prison.
Mais sur la pierre… elle était différente.
Deux ans plus tard.

Il sentit la terre se dérober sous ses pieds.

— Ce n’est pas vrai… ce n’est pas… normal !

Il courut vers le gardien, qui attendait non loin, trop calme, trop présent.

— Sur la tombe… la date a changé ! C’est une erreur ? Dites-moi que c’est une erreur !

Le vieux homme soupira. Longuement. Comme quelqu’un qui porte depuis trop longtemps un secret qu’il ne voulait plus porter seul.

— On l’a enterrée deux fois.

La phrase traversa l’air comme une lame froide.
Le jeune homme recula d’un pas.

— Comment ça, «deux fois» ?

Le gardien baissa les yeux, puis les releva lentement, comme s’il pesait chaque mot.

— La première fois, quand tout le monde croyait qu’elle était morte. La deuxième… quand on l’a retrouvée. Pas ici. Et pas… comme un corps.

Le cœur du jeune homme sembla être broyé dans sa poitrine.

— Vous voulez dire qu’elle était… vivante ? Pendant que moi… j’étais là-bas ?!

Le vieillard ne répondit pas tout de suite. Puis, calmement :

— Je ne veux rien dire. Mais les traces autour de sa tombe… ce n’est pas la première fois. Les griffures non plus.
Et vous savez ce qui est le plus étrange ?
Il baissa la voix.
— La caméra qui surveille ce carré du cimetière… parfois, elle enregistre une silhouette. Une femme. Sa taille. Sa démarche. Et chaque fois que je veux sauvegarder la vidéo… le fichier disparaît. Comme s’il n’avait jamais existé.

Le jeune homme se tourna à nouveau vers la tombe. Ce n’était plus un monument — c’était une porte.
Et ces lettres inachevées… un message arraché au noir.

NE… reviens pas ?
NE… dérange pas ?
NE… tarde pas ?

À cet instant, un son sourd monta du sol. Pas un mouvement de racines.
Plutôt… quelque chose qui cherchait à remonter.

Et il comprit, avec une terreur qu’aucun mot ne pouvait contenir :
ce n’était pas lui qui poursuivait la vérité.
La vérité venait vers lui.

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